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La révolte qui secoue le Bangladesh depuis près de deux semaines continue de défier le régime de la première ministre, Sheikh Hasina, après une brève accalmie. Samedi 27 juillet, le mouvement des étudiants contestataires a menacé de reprendre les manifestations dès lundi si ses dirigeants, dont certains ont été enlevés à l’hôpital où ils étaient soignés pour leurs blessures, n’étaient pas libérés.
La répression de la révolte étudiante, déclenchée dans les grandes villes du Bangladesh par l’introduction de quotas favorisant le parti au pouvoir pour les emplois dans le secteur public, a causé la mort d’au moins deux cents personnes. Des milliers de gens, protestataires et critiques du gouvernement, ont été arrêtés.
Sous la pression, la Cour suprême a revu à la baisse, de 30 % à 5 %, la proportion d’emplois réservés dans l’administration aux descendants des « combattants de la liberté », qui, aux débuts des années 1970, se sont battus pour l’indépendance, contre la dictature pakistanaise alors établie dans ce qui était, depuis la partition de l’empire des Indes, le « Pakistan oriental ». Ces quotas sont taillés sur mesure pour les affidés de la Ligue Awami, le parti de la première ministre, fille du « père de la patrie », Mujibur Rahman, assassiné lors d’un coup d’Etat militaire en 1975.
Mais au-delà de ce point de fixation spécifique, la colère étudiante, aux cris de « A bas la dictatrice ! », se concentre sur Sheikh Hasina, 76 ans, au pouvoir depuis quinze ans. Pour un nombre croissant de Bangladais, elle incarne désormais l’autoritarisme, l’arbitraire et la violence politique, bref, la dérive vers un système qui n’a plus de démocratique que le nom.
Il est bien trop tôt pour imaginer que le régime instauré par celle qu’on surnomme la « bégum (princesse) de fer » puisse s’effacer au profit d’un système de démocratie parlementaire. La « dictatrice en chef » contrôle les différents leviers de l’Etat, à commencer par une justice aux ordres. Tous les contre-pouvoirs se sont évaporés au fil des ans. Le plus grand parti d’opposition a boycotté les dernières élections en janvier, laissant un boulevard à Mme Hasina pour un quatrième mandat d’affilée (le cinquième au total).
Sheikh Hasina focalise désormais toute la frustration de la jeunesse, en dépit des remarquables avancées économiques du pays depuis une décennie. Pour les privilégiés qui peuvent étudier, les perspectives ne sont guère réjouissantes : 40 % des jeunes entre 15 et 24 ans sont sans emploi. Reste donc la fonction publique, en partie bouchée par la priorité offerte aux descendants des « résistants » d’un autre siècle.
Visiblement, la concession annoncée par la Cour suprême n’a pas suffi à mettre fin à la colère des étudiants. En dépit d’un certain retour à la normale, du rétablissement d’Internet et de la levée partielle du couvre-feu dans des villes paralysées, les leaders étudiants exigent réparation et la démission de la « bégum » exécrée. Jamais cette dernière n’avait fait face à un tel défi. Au vu de son caractère ombrageux, il est peu probable qu’elle y réponde en prenant les décisions qui s’imposent, renverser la tendance autocratique et instaurer une démocratie digne de ce nom dans un pays de 171 millions d’habitants à la longue tradition de violences politiques. Mme Hasina, musulmane résolument laïque, ferait pourtant bien de se méfier des conséquences du carnage : les islamistes pourraient récolter ce qu’elle a semé.
Le Monde
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